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INNOCENT III

croisade, que devait-il être de celle de Jérusalem ? Les chrétiens ne tenaient plus la terre sainte, pour ainsi dire, que par le bord. Ils assiégeaient Acre, le seul port qui pût recevoir les flottes des pèlerins, et assurer les communications avec l’Occident.

Le marquis de Montferrat, prince de Tyr, et prétendant au royaume de Jérusalem, faisait promener par l’Europe une représentation de la malheureuse ville. Au milieu s’élevait le Saint-Sépulcre, et par-dessus un cavalier sarrasin dont le cheval salissait le tombeau du Christ. Cette image d’opprobre et d’amer reproche perçait l’âme des chrétiens occidentaux ; on ne voyait que gens qui se battaient la poitrine et criaient : « Malheur à moi[1] ! »

Le mahométisme éprouvait depuis un demi-siècle une sorte de réforme et de restauration, qui avait entraîné la ruine du petit royaume de Jérusalem. Les Atabeks de Syrie, Zenghi et son fils Nuhreddin, deux saints de l’islamisme[2], originaires de l’Irak (Babylonie), avaient fondé entre l’Euphrate et le Taurus une puissance militaire, rivale et ennemie des Fatemites d’Égypte et des Assassins. Les Atabeks s’attachaient à la loi stricte du Koran, et détestaient l’interprétation, dont on avait tant abusé. Ils se rattachaient au calife de Bagdad ; cette vieille idole, depuis longtemps esclave des chefs militaires qui se succédaient, vit ceux-ci se soumettre à lui volontairement et lui faire hommage de leurs conquêtes. Les Alides, les Assas-

  1. Boha-Eddin.
  2. App. 109.