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INNOCENT III

plusieurs autres[1] se séparèrent d’eux et cinglèrent vers Jérusalem. La majorité suivit les chefs, Beaudoin et Boniface, qui se rangeaient à l’avis des Vénitiens.

Quelque opposition que mît le pape à l’entreprise, les croisés croyaient faire œuvre sainte en lui soumettant l’Église grecque malgré lui. L’opposition et la haine mutuelle des Latins et des Grecs ne pouvaient plus croître. La vieille guerre religieuse, commencée par Photius au neuvième siècle[2], avait repris au onzième (vers l’an 1053)[3]. Cependant l’opposition commune contre les mahométans, qui menaçaient Constantinople, semblait devoir amener une réunion. L’empereur Constantin Monomaque fit de grands efforts ; il appela les légats du pape ; les deux clergés se virent, s’examinèrent, mais dans le langage de leurs adversaires ils crurent n’entendre que des blasphèmes, et, des deux côtés l’horreur augmenta. Ils se quittèrent en consacrant la rupture des deux Églises par une excommunication mutuelle (1054).

Avant la fin du siècle, la croisade de Jérusalem, sollicitée par les Comnène eux-mêmes, amena les Latins à Constantinople. Alors les haines nationales s’ajoutèrent aux haines religieuses ; les Grecs détestèrent la brutale insolence des Occidentaux ; ceux-ci accusèrent la trahison des Grecs. A chaque croisade, les Francs

  1. App. 110.
  2. En 858, le laïque Photius fut mis à la place du patriarche Ignace par l’empereur Michel III. Nicolas Ier prit le parti d’Ignace. Photius anathématisa le pape en 867.
  3. Par une lettre du patriarche Michel à l’évêque de Trani, sur les azymes et le sabbat, et les observances de l’Église romaine.