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GUERRE DES ALBIGEOIS

Lion plut généralement aux Poitevins, aux Aquitains, compatriotes de sa mère, Éléonore de Guyenne. Il releva la gloire des méridionaux qui le regardaient comme un des leurs ; il faisait des vers en leur langue, il les avait en foule autour de lui : son principal lieutenant était le Basque Marcader. Mais peu à peu ces diverses populations s’éloignèrent des rois d’Angleterre ; elles s’apercevaient qu’en réalité, Normand, Angevin ou Poitevin, ce roi, séparé d’elles par tant d’intérêts différents, était en réalité un prince étranger. La fin du règne de Richard acheva de désabuser les sujets continentaux de l’Angleterre.

Ces circonstances expliqueraient la violence, les emportements, les revers de Jean, quand même il eût été meilleur et plus habile. Il lui fallut recourir à des expédients inouïs pour tirer de l’argent d’un pays tant de fois ruiné. Que restait-il après l’avide et prodigue Richard ? Jean essaya d’arracher de l’argent aux barons, et ils lui firent signer la Grande Charte ; il se rejeta sur l’Église, elle le déposa. Le pape et son protégé, le roi de France, profitèrent de sa ruine. Le roi d’Angleterre, sentant son navire enfoncer, jeta à la mer la Normandie, la Bretagne. Le roi de France n’eut qu’à ramasser.

Ce déchirement infaillible et nécessaire de l’empire anglais se trouva provoqué d’abord par la rivalité de Jean et d’Arthur son neveu. Celui-ci, fils de l’héritière de Bretagne et d’un frère de Jean, avait été dès sa naissance accepté par les Bretons, comme un libérateur et un vengeur. Ils l’avaient, malgré Henri II,