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HISTOIRE DE FRANCE

jusqu’à saisir les biens de ceux qui refusaient, à d’autres, le septième de leur revenu. Tout cela ne servit de rien. Ils s’assemblèrent, mais une fois réunis à Portsmouth, ils lui firent déclarer par l’archevêque Hubert qu’ils étaient décidés à ne point s’embarquer. Au fait, que leur importait cette guerre ? La plupart, quoique Normands d’origine, étaient devenus étrangers à la Normandie. Ils ne se souciaient pas de se battre pour fortifier leur roi contre eux, et le mettre à même de réduire ses sujets insulaires avec ceux du continent.

Jean s’était aussi adressé au pape, accusant Philippe d’avoir rompu la paix et violé ses serments. Innocent se porta pour juge, non du fief, mais du péché[1]. Ses légats ne décidèrent rien. Philippe s’empara de la Normandie (1204). Jean lui-même avait déclaré aux Normands qu’ils n’avaient aucun secours à attendre. Il s’était plongé en désespéré dans les plaisirs. Les envoyés de Rouen le trouvèrent jouant aux échecs, et avant de répondre, il voulut achever la partie. « Il dînait tous les jours splendidement avec sa belle reine, et prolongeait le sommeil du matin jusqu’à l’heure du repas[2]. » Cependant, s’il n’agissait point lui-même, il négociait avec les ennemis de l’Église et du roi de France. Il payait des subsides à l’empereur Othon IV, son neveu ; il s’entendait d’une part avec les

  1. Lettre d’Innocent III.
  2. Math. Paris : « Cum regina epulabatur quotidie splendide, somnosque matutinales usque ad prandendi horam protraxit. — Omnimodis cum regina sua vivebat deliciis. »