Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
377
GUERRE DES ALBIGEOIS

vait. Il ne lui resta guère de cette immense armée que quatre mille cinq cents Bourguignons et Allemands. Bientôt il n’eut plus de troupes que celles qu’il soldait à grand prix. Il lui fallut donc attendre une nouvelle croisade et amuser les comtes de Toulouse et de Foix qu’il avait d’abord menacés. Le dernier profita de ce répit pour se rendre auprès de Philippe-Auguste, puis à Rome, et protester au pape de la pureté de sa foi. Innocent lui fit bonne mine, et le renvoya à ses légats. Ceux-ci, qui avaient le mot, gagnèrent encore du temps, lui assignèrent le terme de trois mois pour se justifier, en stipulant je ne sais combien de conditions minutieuses, sur lesquelles on pouvait équivoquer. Au terme fixé, le malheureux Raymond accourt, espérant enfin obtenir cette absolution qui devait lui assurer le repos. Alors maître Théodise, qui conduisait tout, déclare que toutes les conditions ne sont pas remplies : « S’il a manqué aux petites choses, dit-il, comment serait-il trouvé fidèle dans les grandes ? » Le comte ne put retenir ses larmes. « Quel que soit le débordement des eaux, dit le prêtre par une allusion dérisoire, elles n’arriveront pas jusqu’au Seigneur[1]. »

Cependant l’épouse de Montfort lui avait amené une nouvelle armée de croisés. Les Albigeois, n’osant plus se fier à aucune ville, après le désastre de Béziers et de Carcassonne, s’étaient réfugiés dans quelques châteaux forts, où une vaillante noblesse faisait cause commune avec eux : ils avaient beaucoup de nobles

  1. Pierre de Vaux-Cernay : « In diluvio aquarum multarum ad Deum non approximabis. »