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HISTOIRE DE FRANCE

comme resserrée, durcie, sous ce ciel étranger. Vin grossier, fromage amer[1], comme l’herbe rude d’où il vient. Ils vendent aussi leurs laves, leurs pierres ponces, leurs pierreries communes[2], leurs fruits communs qui descendent l’Allier par bateau. Le rouge, la couleur barbare par excellence, est celle qu’ils préfèrent ; ils aiment le gros vin rouge, le bétail rouge. Plus laborieux qu’industrieux, ils labourent encore souvent les terres fortes et profondes de leurs plaines avec la petite charrue du Midi qui égratigne à peine le sol[3]. Ils ont beau émigrer tous les ans des montagnes, ils rapportent quelque argent, mais peu d’idées.

Et pourtant il y a une force réelle dans les hommes de cette race, une sève amère, acerbe peut-être, mais vivace comme l’herbe du Cantal. L’âge n’y fait rien. Voyez quelle verdeur dans leurs vieillards, les Dulaure, les de Pradt ; et ce Montlosier octogénaire, qui gouverne ses ouvriers et tout ce qui l’entoure, qui plante et qui bâtit, et qui écrirait au besoin un nouveau livre contre le parti-prêtre ou pour la féodalité, ami et en même temps ennemi du moyen âge[4].

Le génie inconséquent et contradictoire que nous remarquions dans d’autres provinces de notre zone

  1. L’amertume de leurs fromages tient, soit à la façon, soit à la dureté et l’aigreur de l’herbe, les pâturages ne sont jamais renouvelés.
  2. Jusqu’en 1784, les Espagnols venaient acheter les pierreries grossières de l’Auvergne.
  3. Dans le pays d’outre-Loire, on n’emploie guère que l’araire, petite charrue insuffisante pour les terres fortes. Dans tout le Midi, les chariots et outils sont petits et faibles. — Arthur Young vit avec indignation cette petite charrue qui effleurait la terre, et calomniait sa fertilité.
  4. 1833.