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LOUIS IX

voyait le bœuf, l’âne, le foin ; pour que rien n’y manquât, lui-même il bêlait comme un mouton, en prononçant Bethléem : et quand il en venait à nommer le doux Jésus, il passait la langue sur les lèvres et les léchait comme s’il eût mangé du miel[1].

Ces folles représentations, ces courses furieuses à travers l’Europe, qu’on ne pouvait comparer qu’aux bacchanales ou aux pantomimes des prêtres de Cybèle, donnaient lieu, on peut le croire, à bien des excès. Elles ne furent même pas exemptes du caractère sanguinaire qui avait marqué les représentations orgiastiques de l’antiquité. Le tout-puissant génie dramatique qui poussait saint François à l’imitation complète de Jésus, ne se contenta pas de le jouer dans sa vie et sa naissance ; il lui fallut aussi la passion. Dans ses dernières années on le portait sur une charrette, par les rues et les carrefours, versant le sang par le côté, et imitant, par ces stigmates, ceux du Seigneur.

Ce mysticisme ardent fut vivement accueilli par les femmes, et en revanche, elles eurent bonne part dans la distribution des dons de la grâce. Sainte Clara d’Assise commença les Clarisses[2]. Le dogme de l’immaculée conception devint de plus en plus populaire[3]. Ce fut le point principal de la religion, la thèse favorite que soutinrent les théologiens, la croyance chère et sacrée pour laquelle les Franciscains, chevaliers de la Vierge, rompirent des lances. Une dévotion sen-

  1. Le foin de l’étable fit des miracles ; il guérissait les animaux malades.
  2. Cet ordre obtint de saint François, en 1224, une règle particulière. Agnès de Bohême l’établit en Allemagne.
  3. App. 119.