Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/458

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
448
HISTOIRE DE FRANCE

çaise avait trop d’avantage sur une armée composée principalement de troupes légères. Quand Manfred vit les siens en fuite, il voulut mourir et attacha son casque, mais il tomba par deux fois. Hoc est signum Dei, dit-il ; il se jeta à travers les Français et y trouva la mort. Charles d’Anjou voulait refuser la sépulture au pauvre excommunié ; mais les Français eux-mêmes apportèrent chacun une pierre, et lui dressèrent un tombeau[1].

Cette victoire facile n’adoucit pas davantage le farouche conquérant de Naples. Il lança par tout le pays une nuée d’agents avides qui, fondant comme des sauterelles, mangèrent le fruit, l’arbre et presque la terre[2]. Les choses allèrent si loin que le pape lui-même, qui avait appelé le fléau, se repentit, et fit des remontrances à Charles d’Anjou. Les plaintes retentissaient dans toute l’Italie, et au delà des Alpes. Tout le parti gibelin de Naples, de Toscane, Pise surtout, implorait le secours du jeune Corradino. La mère de l’héroïque enfant le retint longtemps, inquiète de le voir si jeune encore entrer dans cette funèbre Italie, où toute sa famille avait trouvé son tombeau. Mais dès qu’il eut quinze ans, il n’y eut plus moyen de le retenir. Son jeune ami, Frédéric d’Autriche, dépouillé comme lui de son héritage, s’associa à sa fortune. Ils

  1. Le légat du pape le fit déterrer, et jeter sur les confins du royaume de Naples et de la campagne de Rome.
  2. A tous les emplois qui existaient dans l’ancienne administration, Charles avait joint tous les emplois correspondants qu’il connaissait en France, en sorte que le nombre des fonctionnaires était plus que doublé.