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HISTOIRE DE FRANCE

des juges pour faire le procès à son prisonnier. Mais la chose était si inouïe qu’entre ses juges mêmes il s’en trouva pour défendre Corradino ; les autres se turent. Un seul condamna, et il se chargea de lire la sentence sur l’échafaud. Ce ne fut pas impunément. Le propre gendre de Charles d’Anjou, Robert de Flandre, sauta sur l’échafaud, et tua le juge d’un coup d’épée, en disant : « Il ne t’appartient pas, misérable, de condamner à mort si noble et si gentil seigneur ! »

Le malheureux enfant n’en fut pas moins décapité avec son inséparable ami, Frédéric d’Autriche. Il ne laissa échapper aucune plainte : « O ma mère, quelle dure nouvelle on va vous rapporter de moi ! » Puis il jeta son gant dans la foule ; ce gant, dit-on, fidèlement ramassé, fut porté à la sœur de Corradino, à son beau-frère le roi d’Aragon. On sait les Vêpres siciliennes.

Un mot encore, un dernier mot sur la maison de Souabe. Une fille en restait, qui avait été mariée au duc de Saxe, quand toute l’Europe était aux pieds de Frédéric II. Lorsque cette famille tomba, lorsque les papes poursuivirent par tout le monde ce qui restait de cette race de vipères[1], le Saxon se repentit d’avoir pris pour femme la fille de l’empereur. Il la frappa brutalement ; il fit plus, il la blessa au cœur en plaçant à côté d’elle, dans son propre château et à sa table, une odieuse concubine, à laquelle il voulait la forcer de rendre hommage. L’infortunée, jugeant bien que bientôt il voudrait son sang, résolut de fuir. Un fidèle

  1. « De vipereo semine Frederici secundi. »