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HISTOIRE DE FRANCE

dans les environs malsains d’Aigues-Mortes. Personne ne savait encore de quel côté elle allait se diriger. L’effroi était grand en Égypte. On ferma la bouche pélusiaque du Nil, et depuis elle est restée comblée. L’empereur grec, qui craignait l’ambition de Charles d’Anjou, envoya offrir la réunion des deux Églises.

Cependant l’armée s’embarqua sur des vaisseaux génois. Les Pisans, Gibelins et ennemis de Gênes, craignirent pour la Sardaigne, et fermèrent leurs ports. Saint Louis obtint à grand’peine que ses malades, déjà fort nombreux, fussent reçus à terre. Il y avait plus de vingt jours qu’on était en mer. Il était impossible, avec cette lenteur, d’atteindre l’Égypte ou la terre sainte. On persuada au roi de cingler vers Tunis. C’était l’intérêt de Charles d’Anjou, souverain de la Sicile. Il fit croire à son frère que l’Égypte tirait de grands secours de Tunis[1] ; peut-être s’imagina-t-il, dans son ignorance, que de l’une il était facile de passer dans l’autre. Il croyait d’ailleurs que l’apparition d’une armée chrétienne déciderait le Soudan de Tunis à se convertir. Ce pays était en relations amicales avec la Castille et la France. Naguère saint Louis faisant baptiser à Saint-Denis un juif converti, il voulut que les ambassadeurs de Tunis assistassent à la cérémonie, et il leur dit ensuite : « Rapportez à votre maître que je désire si fort le salut de son âme, que je voudrais être dans les prisons des Sarrasins pour le reste de ma vie et ne jamais revoir la lumière du jour, si je pouvais, à

  1. De plus, les pirates de Tunisie nuisaient beaucoup aux navires chrétiens.