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TABLEAU DE LA FRANCE

d’Aragon, le chapeau rond de Navarre, le bonnet pointu de Biscaye[1]. Le voiturier basque y viendra sur son âne, avec sa longue voiture à trois chevaux ; il porte le berret du Béarn ; mais vous distinguerez bien vite le Béarnais et le Basque ; le joli petit homme sémillant de la plaine, qui a la langue si prompte, la main aussi, et le fils de la montagne, qui la mesure rapidement de ses grandes jambes, agriculteur habile et fier de sa maison, dont il porte le nom. Si vous voulez trouver quelque analogue au Basque, c’est chez les Celtes de Bretagne, d’Écosse ou d’Irlande qu’il faut le chercher. Le Basque, aîné des races de l’Occident, immuable au coin des Pyrénées, a vu toutes les nations passer devant lui : Carthaginois, Celtes, Romains, Goths et Sarrasins. Nos jeunes antiquités lui font pitié. Un Montmorency disait à l’un d’eux : « Savez-vous que nous datons de mille ans ? — Et nous, dit le Basque, nous ne datons plus. »

Cette race a un instant possédé l’Aquitaine. Elle y a laissé pour souvenir le nom de Gascogne. Refoulée en Espagne au neuvième siècle, elle y fonda le royaume de Navarre, et en deux cents ans, elle occupa tous les trônes chrétiens d’Espagne (Galice, Asturies et Léon, Aragon, Castille). Mais la croisade espagnole poussant vers le Midi, les Navarrois, isolés du théâtre de la gloire européenne, perdirent tout peu à peu. Leur dernier roi, Sanche-l’Enfermé, qui mourut d’un cancer, est le vrai symbole des destinées de son peuple.

  1. App. 18.