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HISTOIRE DE FRANCE

celles de la monarchie. Chaque fois que l’autorité royale prit plus de nerf et de ressort, on s’inquiéta du Trésor des chartes ; véritable trésor, en effet, où l’on trouvait des titres à exploiter, où l’on pêchait des terres, des châteaux, mainte fois des provinces. Les fils de Philippe-le-Bel, cette génération avide, firent faire le premier inventaire. Charles V, bon clerc et vrai prud’homme, quand la France, après les guerres des Anglais, se cherchait elle-même, visita le Trésor et s’affligea de la confusion qui s’y était mise (1371) ; le trésor était comme la France. Sous Louis XI, nouvel inventaire, autre sous Charles VIII. Sous Henri III, le désordre est au comble. De savants hommes y aident : Brisson et du Tillet, qui travaillent pour le roi, emportent et dissipent les pièces. Du Tillet écrivait alors son grand ouvrage de la France ancienne, dont il a imprimé diverses parties. Mais cet inventaire des droits de la monarchie ne fut fait que sous Richelieu. Personne ne sut comme lui enrichir et exploiter les Archives : par toute la France il rasait les châteaux et il rassemblait les titres ; ce fut un grand et admirable collecteur d’antiquités en ce genre. Les limiers qu’il employa à cette chasse de diplomatique, les Du Puy, les Godefroi, les Galand, les Marca, poursuivirent infatigablement son œuvre, réunissant, cataloguant, interprétant. Un des principaux fruits de ce travail est le livre des Droits du roy, de Pierre Du Puy. C’est un savant et curieux livre, étonnant d’érudition et de servilisme intrépide. Vous verrez là que nos rois sont légitimes souverains de l’Angleterre, qu’ils ont toujours possédé la Bretagne ; que la Lorraine, dépendance originaire du royaume français d’Austrasie et de Lotharingie, n’a passé aux empereurs que par usurpation, etc. Une telle érudition était précieuse pour le ministre déterminé à compléter la centralisation de la France. Du Puy allait, fouillant les archives, trouvant des titres inconnus, colorant les acquisitions plus ou moins légitimes ; l’archiviste conquérant marchait devant les armées. Ainsi quand on voulut mettre la main sur la Lorraine, Du Puy fut envoyé aux archives des Trois-Évêchés ; puis le duc fut sommé de montrer ses titres. Le Languedoc fut de même défié par Galand de prouver par écrit son droit de franc-aleu, de propriété libre. On alléguait en vain les droits anciens, la tradition, la possession immémoriale ; nos archivistes voulaient des écrits.

Ce magasin de procès politiques, ce dépôt de tant de droits douteux, notre Trésor des chartes était environné d’un formidable mystère. Il fallait une lettre de cachet au trésorier des