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HISTOIRE DE FRANCE

bête mourait. Grande surprise de tous ceux qui, ignorant cet artifice, avaient vu naguère l’animal gras, vif, robuste et fringant : nulle trace de blessure, aucun signe de mort. Les spectateurs, effrayés de ce prodige, se disaient : Allons-nous-en, l’esprit du démon a soufflé sur cette bête. Là-dessus, les auteurs du meurtre approchaient sans faire semblant de rien savoir, et comme on les prévenait de n’y pas toucher : Nous aimons mieux, disaient-ils, mourir de cette viande que de faim. Ainsi celui qui supportait la perte s’apitoyait sur l’assassin, tandis que l’assassin se moquait de lui. Alors s’abattant tous comme des corbeaux sur ce cadavre, chacun arrachait son morceau, et l’envoyait dans son ventre ou au marché. »


68 — page 182Bohémond

Guibert, l. III, c. i : « Lorsque cette innombrable armée, composée des peuples venus de presque toutes les contrées de l’Occident, eut débarqué dans la Pouille, Bohémond, fils de Robert Guiscard, ne tarda pas à en être informé. Il assiégeait alors Amalfi. Il demanda le motif de ce pèlerinage, et apprit qu’ils allaient enlever Jérusalem, ou plutôt le sépulcre du Seigneur et les lieux saints, à la domination des Gentils. On ne lui cacha pas non plus combien d’hommes, et de noble race et de haut parage, abandonnant, pour ainsi dire, l’éclat de leurs honneurs, se portaient à cette entreprise avec une ardeur inouïe. Il demanda s’ils transportaient des armes, des provisions, quelles enseignes ils avaient adoptées pour ce nouveau pèlerinage ; enfin quels étaient leurs cris de guerre. On lui répondit qu’ils portaient leurs armes à la manière française ; qu’ils faisaient coudre à leurs vêtements, sur l’épaule ou partout ailleurs, une croix de drap ou de toute autre étoffe, ainsi que cela leur avait été prescrit ; qu’enfin, renonçant à l’orgueil des cris d’armes, ils s’écriaient tous humbles et fidèles : Dieu le veut ! »


69 — page 190Un matin les Francs virent flotter sur la ville le drapeau de l’empereur, etc…

« Il envoya en même temps de grands présents aux chefs, sollicitant leur bienveillance par ses lettres et par la voix de ses députés ; il leur rendit mille actions de grâces pour ce loyal service, et pour l’accroissement qu’ils venaient de donner à l’empire. » Willelm. Tyr., l. III, c. xii. — Il envoya, dit Guibert, l. III, c. ix, des dons infinis aux princes, et aux plus pauvres d’abondantes aumônes ; il jetait ainsi des germes de haine parmi ceux de condi-