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HISTOIRE DE FRANCE

l’Ancien, qu’ils rejetaient absolument, hors quelques passages transportés de l’Ancien dans le Nouveau, et que leur respect pour ce dernier leur faisait admettre.

« Ils disaient que l’auteur de l’Ancien Testament était un menteur, parce qu’il est dit dans la Genèse : « En quelque jour que vous mangiez de l’arbre de la science du bien et du mal, vous mourrez de mort » ; et pourtant, disaient-ils, après en avoir mangé, ils ne sont pas morts. Ils le traitaient aussi d’homicide, pour avoir réduit en cendres ceux de Sodome et de Gomorrhe, et détruit le monde par les eaux du déluge, pour avoir enseveli sous la mer Pharaon et les Égyptiens. Ils croyaient damnés tous les pères de l’Ancien Testament, et mettaient saint Jean-Baptiste au nombre des grands démons. Ils disaient même entre eux que ce Christ qui naquit dans la Bethléem terrestre et visible et fut crucifié à Jérusalem, n’était qu’un faux Christ ; que Marie-Madeleine avait été sa concubine, et que c’était là cette femme surprise en adultère dont il est parlé dans l’Évangile. Pour le Christ, disaient-ils, jamais il ne mangea ni ne but, ni ne revêtit de corps réel, et ne fut jamais en ce monde que spirituellement au corps de saint Paul.

« D’autres hérétiques disaient qu’il n’y a qu’un créateur, mais qu’il eut deux fils, le Christ et le Diable. Ceux-ci disaient que toutes les créatures avaient été bonnes, mais que ces filles dont il est parlé dans l’Apocalypse les avaient toutes corrompues.

« Tous ces infidèles, membres de l’Antéchrist, premiers-nés de Satan, semence de péché, enfants de crime, à la langue hypocrite, séduisant par des mensonges le cœur des simples, avaient infecté du venin de leur perfidie toute la province de Narbonne. Ils disaient que l’Église romaine n’était guère qu’une caverne de voleurs, et cette prostituée dont parle l’Apocalypse. Ils annulaient les sacrements de l’Église à ce point qu’ils enseignaient publiquement que l’onde du sacré baptême ne diffère point de l’eau des fleuves, et que l’hostie du très saint corps du Christ n’est rien de plus que le pain laïque ; insinuant aux oreilles des simples ce blasphème horrible, que le corps du Christ, fût-il aussi grand que les Alpes, il serait depuis bien longtemps consommé et réduit à rien par tous ceux qui en ont mangé. La confirmation, la confession étaient choses vaines et frivoles ; le saint mariage une prostitution, et nul ne pouvait être sauvé dans cet état en engendrant fils et filles. Niant aussi la résurrection de la chair, ils forgeaient je ne sais quelles fables inouïes, disant que nos âmes sont ces esprits angéliques qui, précipités du ciel pour leur présomptueuse apostasie, laissèrent dans l’air leurs corps glorieux, et que ces âmes, après avoir passé successivement