Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

soient ramenées à franchises, et à tous ceus qui de origine, ou ancienneté, ou de nouvel par mariage, ou par residence de lieus de serve condition, sont encheües, ou pourraient enchoir ou lien de servitudes, franchise soit donnée à bonnes et convenables conditions[1]. »

Il est curieux de voir le fils de Philippe-le-Bel vanter aux serfs la liberté. Mais c’est peine perdue. Le marchand a beau enfler la voix et grossir le mérite de sa marchandise, les pauvres serfs n’en veulent pas. Ils étaient trop pauvres, trop humbles, trop courbés vers la terre. S’ils avaient enfoui dans cette terre quelque mauvaise pièce de monnaie, ils n’avaient garde de l’en tirer pour acheter un parchemin. En vain le roi se fâche de les voir méconnaître une telle grâce. Il finit par ordonner aux commissaires chargés de l’affranchissement d’estimer les biens des serfs qui aimeraient mieux « demeurer en la chetivité de servitude », et les taxent « si suffisamment et si grandement, comme la condition et richesse des personnes pourront bonnement souffrir et la nécessité de nostre guerre le requiert ».

C’est toutefois un grand spectacle de voir prononcer du haut du trône la proclamation du droit imprescriptible de tout homme à la liberté. Les serfs n’achètent pas, mais ils se souviendront et de cette leçon royale, et du dangereux appel qu’elle contient contre les seigneurs[2].

  1. Ord., I, p. 583.
  2. App. 129.