Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
HISTOIRE DE FRANCE

Français derrière lui. C’était la seconde fois, et non la dernière, que les Anglais s’engageaient à l’aveugle dans le pays ennemi. À moins d’un miracle, ils étaient perdus. C’en fut un que l’étourderie de Jean.

L’armée du prince de Galles, partie anglaise, partie gasconne, était forte de deux mille hommes d’armes, de quatre mille archers et de deux mille brigands qu’on louait dans le Midi, troupes légères. Jean était à la tête de la grande cohue féodale du ban et de l’arrière-ban, qui faisait bien cinquante mille hommes. Il y avait les quatre fils de Jean, vingt-six ducs ou comtes, cent quarante seigneurs bannerets avec leurs bannières déployées ; magnifique coup d’oeil, mais l’armée n’en valait pas mieux.

Deux cardinaux légats, dont un du nom de Talleyrand, s’entremirent pour empêcher l’effusion du sang chrétien. Le prince de Galles offrait de rendre tout ce qu’il avait pris, places et hommes, et de jurer de ne plus servir de sept ans contre la France. Jean refusa, comme il était naturel ; il eût été honteux de laisser aller ces pillards. Il exigeait qu’au moins le prince de Galles se rendît avec cent chevaliers.

Les Anglais s’étaient fortifiés sur le coteau de Maupertuis près Poitiers, colline roide, plantée de vignes, fermée de haies et de buissons d’épines. Le haut de la pente était hérissé d’archers anglais. Il n’y avait pas besoin d’attaquer. Il suffisait de les tenir là ; la soif et la faim les auraient apprivoisés au bout de deux jours. Jean trouva plus chevaleresque de forcer son ennemi.