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HISTOIRE DE FRANCE

Il parla à merveille. Il était, disent les contemporains, petit, vif et d’esprit subtil.

Le texte du discours, tiré, selon l’usage du temps, de la sainte Écriture, prêtait aux développements pathétiques : Justus Dominus et dilexit justitias ; vidit æquitatem vultus ejus. Le roi de Navarre, s’adressant, avec une insidieuse douceur, au dauphin lui-même, le prenait à témoin des injures qu’on lui avait faites. On avait bien tort de se défier de lui ; n’était-il pas Français de père et de mère ? n’était-il pas plus près de la couronne que le roi d’Angleterre qui la réclamait ? il voudrait vivre et mourir en défendant le royaume de France… Le discours fut si long, qu’on avait soupe dans Paris quand il cessa[1]. Mais, quoique le bourgeois n’aime pas à se desheurer[2], il n’en fut pas moins favorable au harangueur. Ce fut à qui lui donnerait de l’argent.

De Paris, il alla à Rouen et y exposa ses malheurs avec la même faconde[3]. Il fit descendre du gibet les corps de ses amis qui avaient été mis à mort au terrible dîner de Rouen[4] et les suivit à la cathédrale au son des cloches et à la lueur des cierges. C’était le jour des Saints-Innocents (28 décembre) ; il parla sur ce texte : « Des innocents et des justes s’étaient attachés à moi, parce que je tenais pour vous, ô Seigneur ! »

Le dauphin prêchait aussi à Paris. Il haranguait aux halles, Marcel à Saint-Jacques[5]. Mais le premier n’avait

  1. Chroniques de Saint-Denis.
  2. Comme dit le cardinal de Retz.
  3. « Miserias suas exposuit… eleganter. » (Cont. G. de Nangis.)
  4. App. 203.
  5. App. 204.