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ÉTATS GÉNÉRAUX

sur les autres. Alors issirent les gens d’armes hors des barrières et les abattoient à grands monceaux et les tuoient ainsi que bêtes et les reboutèrent hors de la ville. Ils en mirent à fin plus de sept mille et boutèrent le feu en la désordonnée ville de Meaux (9 juin 1358)[1] ».

Les nobles firent partout main basse sur les paysans, sans s’informer de la part qu’ils avaient prise à la Jacquerie ; « et ils firent, dit un contemporain, tant de mal au pays, qu’il n’y avait pas besoin que les Anglais vinssent pour la destruction du royaume. Ils n’auraient jamais pu faire ce que firent les nobles de France[2]. »

Ils voulaient traiter Senlis comme Meaux. Ils s’en firent ouvrir les portes, disant venir de la part du régent, puis ils se mirent à crier : « Ville prise ! ville gagnée. » Mais ils trouvèrent tous les bourgeois en armes, et même d’autres nobles qui défendaient la ville. On lança sur eux, par la pente rapide de la grande rue, des charrettes qui les renversèrent. L’eau bouillante pleuvait des fenêtres. « Les uns s’enfuirent à Meaux conter leur déconfiture et se faire moquer ; les autres qui restèrent sur la place, ne feront plus de mal aux gens de Senlis[3]. »

C’est un prodige qu’au milieu de cette dévastation des campagnes, Paris ne soit pas mort de faim. Cela fait grand honneur à l’habileté du prévôt des marchands. Il ne pouvait nourrir longtemps cette grande

  1. Froissart. — Lire en regard des exagérations passionnées de Froissart le récit de M. Perrens, fait ici d’après le Trésor des Chartes (1860).
  2. Contin. G. de Nangis. App. 221.
  3. « Qui vero mortui remanserunt, genti Silvanectensi amplius non nocebunt ». (Idem.)