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HISTOIRE DE FRANCE

logue à Duguesclin en lui remettant l’épée de connétable.

Le peu que nous savons de Charles V, de ses jugements, de ses paroles, indique, comme tout son règne, une douce et froide sagesse, peut-être aussi quelque indifférence au bien et au mal[1]. « Considérant, dit son historien femelle, la fragilité humaine, il ne permit jamais aux maris d’emmurer leurs femmes pour méfait de corps, quoiqu’il en fust maintes fois supplié[2]. » — Il surprit trois fois son barbier en flagrant délit de vol et la main dans la poche, sans se fâcher, ni le punir[3].

Charles V est peut-être le premier roi, chez cette nation jusque-là si légère, qui ait su préparer de loin un succès, le premier qui ait compris l’influence, lointaine et lente, mais dès lors réelle, des livres sur les affaires. Le prieur Honoré Bonnor écrivit par son ordre, sous le titre bizarre de l’Arbre des batailles, le premier essai sur le droit de la paix et de la guerre. Son avocat général, Raoul de Presles, lui mettait la Bible en langue vulgaire, tant d’années avant Luther et Calvin. Son ancien précepteur, Nicolas Oresme, traduisait l’autre Bible du temps, Aristote. Oresme, Raoul de Presles, Philippe de Maizières travaillaient, peut-être à frais communs, à ces grands livres du Songe du verger, du

  1. App. 264.
  2. « … Et à difficulté donnoit congé que le mari la tenist close en une chambre, si trop estoit desordonnée. » (Christ. de Pisan.)
  3. Il ne le renvoya qu’à la quatrième. — Cependant lui-même avait la justice à cœur et s’en mêlait. Une bonne femme étant venue se plaindre d’un homme d’armes qui avait violé sa fille, il fit en sa présence pendre le coupable à un arbre.