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HISTOIRE DE FRANCE

en compensation des droits sur mutations que l’État perdait. Ainsi toute donation d’immeubles faite aux églises profita désormais au roi. Le roi, ce nouveau Dieu du monde civil, entra en partage dans les dons de la piété avec Jésus-Christ, avec Notre-Dame et les saints.

Voilà pour l’Église. La féodalité, tout armée et guerrière qu’elle est, n’est pas moins attaquée. D’elle-même se dégage le principe qui doit la ruiner. Ce principe est la royauté comme suzeraineté féodale. Saint Louis dit expressément dans ses Établissements (liv. II, c. xxvii) : Se aucun se plaint en la court le roy de son saignieur de dete que son saignieur li doie, ou de promesses, ou de convenances que il li ait fetes, li sires m’aura mie la cour : car nus sires ne doit estre juges, ne dire droit en sa propre querelle, selonc droit escrit en Code : « Ne quis in sua causa judicet », en la loi unique qui commence Generali, el rouge, et el noir, etc. Les Établissements de saint Louis étaient faits pour les domaines du roi. Beaumanoir, dans la Coutume de Beauvoisis, dans un livre fait pour les domaines d’un fils de saint Louis, de Robert de Clermont, ancêtre de la maison de Bourbon, écrit sous Philippe-le-Bel que le roi a droit de faire des établissements, non pour ses domaines seulement, mais pour tout le royaume. Il faut voir dans le texte même avec quelle adresse il présente cette opinion scandaleuse et paradoxale[1].

  1. Beaumanoir.