Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
L’OR. — LE FISC. — LES TEMPLIERS

de faim sans lui[1]. Mercure quitte son métier de dieu, se met au service de Plutus, tourne la broche et lave la vaisselle.

Cette intronisation de l’or à la place de Dieu se renouvelle au quatorzième siècle. La difficulté est de tirer cet or paresseux des réduits obscurs où il dort. Ce serait une curieuse histoire que celle du thesaurus, depuis le temps où il se tenait tapi sous le dragon de Colchos, des Hespérides ou des Niebelungen, depuis son sommeil au temple de Delphes, au palais de Persépolis. Alexandre, Carthage, Rome, l’éveillent et le secouent[2]. Au moyen âge, il est déjà rendormi dans les églises, où, pour mieux reposer, il prend forme sacrée, croix, chapes, reliquaires. Qui sera assez hardi pour le tirer de là, assez clairvoyant pour l’apercevoir dans la terre où il aime à s’enfouir ? Quel magicien évoquera, profanera cette chose sacrée qui vaut toutes choses, cette toute-puissance aveugle que donne la nature ?

Le moyen âge ne pouvait atteindre sitôt la grande idée moderne : l’homme sait créer la richesse, il change une vile matière en objet précieux, lui donnant la richesse qu’il a en lui, celle de la forme, de l’art, celle d’une volonté intelligente. Il chercha d’abord la richesse moins dans la forme que dans la matière. Il

  1. App. 41.
  2. Chacune des grandes révolutions du monde est aussi l’époque des grandes apparitions de l’or. Les Phocéens le font sortir de Delphes, Alexandre de Persépolis ; Rome le tire des mains du dernier successeur d’Alexandre ; Cortès l’enlève de l’Amérique. Chacun de ces moments est marqué par un changement subit, non seulement dans le prix des denrées, mais aussi dans les idées et dans les mœurs.