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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/160

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HISTOIRE DE FRANCE

Les réconciliés revinrent à Paris, plus ennemis que jamais, mais d’accord pour sacrifier le trop conciliant Montaigu. Ce pauvre diable n’avait après tout péché que par peur. Mais il avait encore un autre crime ; il était trop riche. On se demandait comment ce fils d’un notaire de Paris, médiocrement lettré, de pauvre mine, petite taille, barbe claire, la langue épaisse[1], comment il s’y était pris pour gouverner la France depuis si longtemps. Il fallait bien, avec tout cela, qu’il fût pourtant un habile homme, pour que la reine, le duc d’Orléans, les ducs de Berri et de Bourbon eussent tous besoin de lui et l’appelassent leur ami.

L’habileté qui lui manqua, ce fut de se faire petit. Sans parler de ses grandes terres, il avait bâti à Marcoussis un délicieux château. À Paris, le peuple montrait avec envie son splendide hôtel. Les plus grands seigneurs avaient recherché ses filles. Récemment encore, il avait marié son fils avec la fille du connétable d’Albret, cousin du roi. Il fit encore son frère évêque de Paris, et à cette occasion il eut l’imprudence de traiter les princes, d’étaler une incroyable quantité de vaisselle d’or et d’argent. Les convives ouvrirent de grands yeux ; leur cupidité attisa leur haine. Ils trouvèrent fort mauvais que Montaigu eût tant de vaisselle d’or, lorsque celle du roi était en gage.

Pour un homme nouveau, Montaigu semblait bien assis. Dès le temps du gouvernement des Marmousets,

  1. Le Religieux.