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HISTOIRE DE FRANCE

son fils Arthur prisonnier. Dans cette triste entrevue, elle avait mis à sa place une dame qu’Arthur prit pour sa mère. Le cœur maternel en fut brisé. « Malheureux enfant, dit-elle, ne me reconnais-tu donc pas ? » On les sépara. Le roi ne permit pas de communication entre la mère et le fils[1].

Le plus dur pour les prisonniers, ce fut de subir le sermon de ce roi des prêtres[2], d’endurer ses moralités, ses humilités. Immédiatement après la bataille, parmi les cadavres et les blessés, il fit venir Montjoie, le héraut de France, et dit : « Ce n’est pas nous qui avons fait cette occision, c’est Dieu, pour les péchés des Français. » Puis il demanda gravement à qui la victoire devait être attribuée, au roi de France ou à lui ? « À vous, monseigneur », répondit le héraut de France[3].

Prenant ensuite son chemin vers Calais, il ordonna, dans une halte, qu’on envoyât du pain et du vin au duc d’Orléans, et, comme on vint lui dire que le prisonnier ne prenait rien, il y alla, et lui dit : « Beau cousin, comment vous va ? — Bien, monseigneur. — D’où vient que vous ne voulez ni boire ni manger ? — Il est vrai, je jeûne. — Beau cousin, ne prenez souci ; je sais bien que si Dieu m’a fait la grâce de gagner la bataille sur les Français, ce n’est pas que j’en sois digne ; mais c’est, je le crois fermement, qu’il a voulu les punir. Au fait, il n’y a pas à s’en étonner, si ce qu’on m’en raconte est vrai ; on dit que jamais il ne

  1. Mémoire d’Artus III.
  2. « Princeps presbyterorum. » (Walsingham.)
  3. Monstrelet.