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HENRI V

aient eu cette charité ; et pourtant leur camp était plein de prêtres, d’évêques ; il y avait entre autres le primat d’Angleterre, archevêque de Cantorbéry.

Au grand jour de Noël, lorsque tout le monde chrétien dans la joie célèbre par de douces réunions de famille la naissance du petit Jésus, les Anglais se firent scrupule de faire bombance[1] sans jeter des miettes à ces affamés. Deux prêtres anglais descendirent parmi les spectres du fossé et leur apportèrent du pain. Le roi fit dire aussi aux habitants qu’il voulait bien leur donner des vivres pour le saint jour de Noël ; mais nos Français ne voulurent rien recevoir de l’ennemi.

Cependant le duc de Bourgogne commençait à se mettre en mouvement. Et d’abord, il alla de Paris à Saint-Denis. Là, il fit prendre au roi solennellement l’oriflamme ; cruelle dérision ; ce fut pour rester à Pontoise, longtemps à Pontoise, longtemps à Beauvais. Il y reçut encore un homme de Rouen qui s’était dévoué pour risquer le passage ; c’était le dernier messager, la voix d’une ville expirante ; il dit simplement que dans Rouen et la banlieue il était mort cinquante mille hommes de faim. Le duc de Bourgogne fut touché, il promit secours, puis, débarrassé du messager, et comptant bien sans doute ne plus entendre parler de Rouen, il tourna le dos à la Normandie et mena le roi à Provins.

Il fallut donc se rendre. Mais le roi d’Angleterre,

  1. Le camp anglais regorgeait de vivres ; les habitants de Londres avaient envoyé à eux seuls un vaisseau chargé de vin et de cervoise. (Chéruel.)