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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 6.djvu/20

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HISTOIRE DE FRANCE

terre. C’étaient de bonnes dames ruinées, des églises en mauvais état, des couvents de Mendiants, tout ce qu’il y avait de souffreteux chez les nobles et les gens d’église. On voyait comme une procession à la porte de l’hôtel d’Artois ; à toute heure, table ouverte, et trois chevaliers pour recevoir tout le monde honorablement. Cet hôtel était une merveille pour les meubles, la riche vaisselle, les belles tapisseries. Le peuple de Paris de toute condition, dames et demoiselles, depuis le matin jusqu’au soir, y venait à la file, voyait, béait… Il y avait, entre autres choses, la fameuse tapisserie de Gédéon, la plus riche de toute la terre, le fameux pavillon de velours, qui contenait salle, vestibule, oratoire et chapelle.

Toutes ces magnificences flamandes étaient trop à l’étroit ; il fallut, pour déployer la splendeur de la maison de Bourgogne et des princes du Nord, un grand et solennel tournoi. Rare bonheur pour les Parisiens. Le duc de Bourgogne y enleva les cœurs. Au départ de l’hôtel d’Artois, son cheval n’étant pas prêt, il monta sans façon sur la haquenée de sa nièce, la duchesse d’Orléans, ayant sa nièce derrière lui, mais devant (le joyeux compère) une fille de quinze ans, qui était à la duchesse et qu’elle avait prise pour sa jolie figure. Il trotta ainsi jusqu’aux lices de la rue Saint-Antoine. Tout le peuple criait : « Voilà un humain prince ! Voilà un seigneur dont le monde serait heureux de l’avoir tel ! Que bénit soit-il et tous ceux qui l’aiment ! Et que n’est tel notre roi et ainsi humain, qui ne se vête que d’une pauvre robe. »