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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 6.djvu/26

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HISTOIRE DE FRANCE

armement que l’Angleterre faisait contre lui, deux cents vaisseaux, quinze mille hommes[1] ; Henri V n’en avait guère eu davantage pour conquérir la France. Mais le roi savait longtemps d’avance le jour où Warwick ferait sortir la flotte. Il alla paisiblement voyager dans tout le Midi, ne craignit pas d’engager une armée en Catalogne et fit fort à son aise sa belle affaire de Roussillon.

Il se passait en Espagne une tragédie qui promettait d’être lucrative, elle devait sourire à Louis XI. Le monde en pleurait ; des peuples entiers avaient couru aux armes, d’indignation et de pitié. Un père remarié, don Juan d’Aragon, pour plaire à la marâtre, avait dépouillé son fils[2], don Carlos de Viana, héritier de Navarre ; il l’avait emprisonné, tué de chagrin, peut-être de poison. Le pauvre prince, qui, vivant, ne s’était guère plaint, se plaignit mort ; les Catalans l’entendaient la nuit dans les rues de Barcelone. Le mauvais père eut tous les cœurs contre lui ; il vit comme « la terre se soulever et crier les pierres du chemin… » Le misérable eut peur ; il appela les Français, puis, ayant peur des Français, il appela les Anglais contre eux. Son gendre, le comte de Foix, qui, avec ses grandes espérances d’Espagne, n’en avait pas moins jusque-là

  1. App. 13.
  2. Et quel fils ! Un des hommes les plus aimables de l’Espagne, qui respecta toujours son père, même en luttant contre lui, et qui, si son parti l’eût permis, aurait laissé là la Navarre, comme il refusa le trône de Naples, oubliant le monde avec son Homère et son Platon, dans un monastère au pied de l’Etna. — Il était poète, ami des poètes du temps ; il a traduit l’Éthique d’Aristote, et fait une chronique de Navarre. (Prescott.)