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HISTOIRE DE FRANCE

Charpentier était un âne, pour l’avoir laissé douze ans écrire contre lui, sans y faire attention.

Si Charpentier était un âne en mathématiques, il ne l’était pas dans l’intrigue. Dans le procès des Jésuites qui les établit en France, il se mit pour eux, et par là gagna le cardinal de Lorraine, vieux camarade de classe de Ramus, qui jusque-là le protégeait. Il s’unit intimement à l’évêque Vigor et autres futurs ligueurs qui déjà depuis longtemps demandaient la Saint-Barthélémy. Enfin, quand Ramus, en péril, menacé par eux comme protestant, quitta Paris et suivit l’armée de Coligny, Charpentier se mit à la tête des professeurs bien pensants pour demander que les fuyards, les renégats de l’Université ne pussent y rentrer jamais. A la paix de 1570, Ramus ne trouva plus sa chaire ; il eut par grâce un abri dans sa propre maison, dans le collège de Presles, qu’il avait recréé, et même rebâti de son argent.

De ce grenier rayonnait une lumière importune. Toute l’Europe y avait les yeux. Les universités d’Italie, d’Allemagne, de Hongrie, de Pologne, offraient des chaires à Ramus. L’Angleterre acceptait ses doctrines ; ses livres, un siècle encore après, y furent commentés par Milton.

Cela était intolérable. Les futurs ligueurs poussaient contre lui des cris de mort. Charpentier mettait la main sur la garde de son épée : « Si j’ai quitté la toge pour l’épée, dit-il, Caton, Cicéron, en firent autant. Le pape aussi. N’a-t-il pas pris son glaive, sonné la charge, combattu avec nous, tout au moins de son