Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/102

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réserver contre eux, à leur abandonner tout le soin de son avenir. « Je n’ai rien, je suis un pauvre homme ; mais je suis l’homme du baron, du beau château qui est là-bas. » Ou bien : « J’ai l’honneur d’être serf de ce fameux monastère. Je ne puis pas manquer jamais. »

Va maintenant, va, bon homme, au jour de ta nécessité, va, frappe à leur porte.

Au château ? Mais la porte est close, la grande table, où tous s’assirent, n’a pas servi depuis longtemps, la cheminée est froide, ni feu ni fumée. Le seigneur est à Versailles. Il ne t’oublie pas pourtant. Il a laissé ici pour toi le procureur et l’huissier.

Eh bien, j’irai au monastère. Cette maison de charité n’est-elle pas celle du pauvre ?… L’Église me dit tous les jours : « Dieu a tant aimé le monde !… Il s’est fait homme, il s’est fait aliment pour nourrir l’homme ! L’Église n’est rien ou elle est la charité divine réalisée sur la terre. »

Frappe, frappe, pauvre Lazare ! tu resteras là longtemps. Tu ne sais donc pas que l’Église est maintenant retirée du monde, que toutes ces affaires de pauvres et de charité ne la regardent plus ? Elle eut deux choses au Moyen-âge, des biens et des fonctions, dont elle était fort jalouse ; plus équitable au temps moderne, elle a fait deux parts : les biens, elle les a gardés ; les fonctions, hôpitaux, aumônes, patronage du pauvre, toutes ces choses qui la mêlaient trop aux soins d’ici-bas, elle les a généreusement remises à la puissance laïque.