être est-il un climat favorable à la Justice, une terre meilleure qui d’elle-même porte le fruit de l’équité. Le voyageur, le chercheur, qui va la demandant par toute la terre, c’est le calme et grand Montesquieu. Mais la Justice fuit devant lui ; elle reste mobile et relative ; la Loi, pour lui, c’est un rapport, loi abstraite et non vivante. Elle ne guérira pas la vie[1].
Montesquieu peut s’y résigner, non Voltaire. Voltaire est celui qui souffre, celui qui a pris pour lui toutes les douleurs des hommes, qui ressent, poursuit toute iniquité. Tout ce que le fanatisme et la tyrannie ont jamais fait de mal au monde, c’est à Voltaire qu’ils l’ont fait. Martyr, victime universelle, c’est lui qu’on égorgea à la Saint-Barthélemy, lui qu’on enterra aux mines du Nouveau-Monde, lui qu’on brûla à Séville, lui que le parlement de Toulouse roua avec Calas… Il pleure, il rit dans les souffrances, rire terrible, auquel s’écroulent les bastilles des tyrans, les temples des Pharisiens[2].
Et s’écroulent en même temps toutes les petites barrières où s’enfermait chaque église, se disant universelle et voulant faire périr les autres. Elles tombent devant Voltaire, pour faire place à l’église humaine, à la catholique église qui les recevra, les contiendra toutes dans la Justice et dans la Paix.
Voltaire est le témoin du Droit, son apôtre et son
- ↑ Montesquieu, Esprit des Lois, 1748. — J’aurai occasion d’expliquer souvent combien peu ce grand génie eut le sentiment du Droit. Il est, sans le savoir, le fondateur de notre absurde école anglaise.
- ↑ Lire, sur Voltaire, quatre pages marquées du sceau du génie, qu’aucun homme de talent n’aurait écrites. (Quinet, Ultramontanisme.)