Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

répété, mais de fond, question intime, plus vivace qu’aucune autre en France, question non de politique seulement, mais d’amour, de religion. Nul peuple n’a tant aimé ses rois.

Les yeux s’ouvrirent sous Louis XV, se refermèrent sous Louis XVI ; la question s’obscurcit encore. L’espoir du peuple se plaça encore une fois dans la royauté. Turgot espéra, Voltaire espéra… Ce pauvre jeune roi, si mal né, si mal élevé, aurait voulu pouvoir le bien. Il lutta et fut entraîné. Ses préjugés de naissance et d’éducation, ses vertus même de famille, le menèrent à la ruine… Triste problème historique !… Des justes l’ont excusé, des justes l’ont condamné… Duplicité, restrictions mentales (peu surprenantes sans doute dans l’élève du parti jésuite), voilà ses fautes, enfin son crime, qui le mena à la mort, son appel à l’étranger… Avec tout cela n’oublions pas qu’il avait été longtemps anti-Autrichien, anti-Anglais, qu’il avait mis une passion réelle à relever notre marine, qu’il avait fondé Cherbourg à dix-huit lieues de Portsmouth, qu’il aida à couper l’Angleterre en deux, à créer une Angleterre contre l’Angleterre… Cette larme que Carnot verse en signant son arrêt, elle lui reste dans l’histoire ; l’Histoire et la Justice même, en le jugeant, pleureront.

Chaque jour amène sa peine. Ce n’est pas aujourd’hui que je dois raconter ces choses. Qu’il suffise de dire ici que le meilleur fut le dernier, grande leçon de la Providence ! afin qu’il parût bien à tous que le mal était moins dans l’homme que dans l’institution