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Toutes ces prisons d’État, vers la fin de Louis XIV, furent, comme était tout le reste, gouvernées par les Jésuites. Elles furent dans leurs mains des instruments de supplice pour les protestants et les jansénistes, des antres à conversion. Un secret plus profond que celui des plombs, des puits de Venise, l’oubli de la tombe, enveloppait tout. Les Jésuites étaient confesseurs de la Bastille et de bien d’autres prisons ; les prisonniers morts étaient enterrés sous de faux noms à l’église des Jésuites. Tous les moyens de terreur étaient dans leurs mains, ces cachots surtout d’où l’on sortait parfois l’oreille ou le nez mangé par les rats… Non seulement la terreur, mais la flatterie aussi… L’une et l’autre si puissantes sur les pauvres prisonnières. L’aumônier, pour rendre la grâce plus efficace, employait jusqu’à la cuisine, affamait, nourrissait bien, gâtait par des friandises celle qui cédait ou résistait. On cite telle prison d’État où les geôliers et les Jésuites alternaient près des prisonnières et en avaient des enfants. Une aima mieux s’étrangler.

Le lieutenant de police allait de temps à autre déjeuner à la Bastille. Cela comptait pour visite, surveillance du magistrat. Ce magistrat ne savait rien, et c’était pourtant lui seul qui instruisait le ministre. Une famille, une dynastie, Châteauneuf et son fils La Vrillière, et son petit-fils Saint-Florentin (mort en 1777), eurent pendant un siècle le département des prisons d’État et des lettres de cachet. Pour que cette dynastie subsistât, il fallait des prisonniers ; quand les