Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/134

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des fictions barbares sur l’éternité des peines, je me suis surpris à demander à Dieu un enfer pour les tyrans.

Ah ! Monsieur de Sartines, ah ! Madame de Pompadour, quel poids vous traînez ! Comme on voit par cette histoire comment, une fois dans l’injustice, on s’en va de mal en pis, comme la terreur, qui pèse du tyran à l’esclave, retourne au tyran ! Ayant une fois tenu celui-ci prisonnier sans jugement pour une faute légère, il faut que la Pompadour, que Sartines le tiennent toujours, qu’ils scellent sur lui d’une pierre éternelle l’enfer du silence.

Et cela ne se peut pas. Cette pierre se soulève toujours… toujours monte une voix basse, terrible, un souffle de feu… Dès 1781, Sartines en ressent l’atteinte…1784, le roi même en est blessé… 1789, le peuple sait tout, voit tout, l’échelle même par où s’enfuit le prisonnier… 1793, on guillotine la famille de Sartines.

Pour le malheur des tyrans, il se trouva qu’ils avaient enfermé dans ce prisonnier un homme ardent et terrible, que rien ne pouvait dompter, dont la voix ébranlait les murs, dont l’esprit, l’audace, étaient invincibles… Corps de fer, indestructible, qui devait user toutes les prisons, et la Bastille, et Vincennes, et Charenton, enfin l’horreur de Bicêtre, où tout autre aurait péri.

Ce qui rend l’accusation lourde, accablante, sans appel, c’est que cet homme, tel quel, échappé deux fois, se livra deux fois lui-même. Une fois, de sa