Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

immuable, ferme ; c’est elle qui le fait trembler.

Par bonheur, on lui ménage l’appui de Mme Duchesne, femme de chambre de Mesdames. Elle part pour Versailles, à pied, en plein hiver ; elle était grosse de sept mois… La protectrice était absente ; elle court après, gagne une entorse, et elle n’en court pas moins. Mme Duchesne pleure beaucoup, mais, hélas ! que peut-elle faire ? Une femme de chambre contre deux ou trois ministres, la partie est forte ! Elle tenait en main la supplique ; un abbé de cour qui se trouve là la lui arrache des mains, lui dit qu’il s’agit d’un enragé, d’un misérable, qu’il ne faut pas s’en mêler.

Il suffit d’un mot pareil pour glacer Marie-Antoinette, à qui l’on en avait parlé. Elle avait la larme à l’œil. On plaisanta. Tout finit.

Il n’y avait guère en France d’homme meilleur que le roi. On finit par aller à lui. Le cardinal de Rohan (un polisson, mais, après tout, charitable) parla trois fois à Louis XVI, qui par trois fois refusa. Louis XVI était trop bon pour ne pas en croire M. de Sartines. Il n’était plus en place, mais ce n’était pas une raison pour le déshonorer, le livrer à ses ennemis. Sartines à part, il faut le dire, Louis XVI aimait la Bastille, il ne voulait pas lui faire tort, la perdre de réputation.

Le roi était très humain. Il avait supprimé les bas cachots du Châtelet, supprimé Vincennes, créé la Force pour y mettre les prisonniers pour dettes, les séparer des voleurs.