Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/149

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des ordres privilégiés une démocratie nombreuse, à laquelle on ne pensait pas, deux cents curés et même davantage, très hostiles à leurs évêques. Dans la Bretagne, dans le Midi, le paysan nommait volontiers son curé, qui, d’ailleurs sachant seul écrire, recevait les votes et menait toute élection[1].

Le peuple des villes, un peu mieux préparé, ayant reçu quelques lueurs de la philosophie du siècle, montra une admirable ardeur, une vive conscience de son droit. Il y parut aux élections, à la rapidité, à la certitude avec laquelle des masses d’hommes inexpérimentés firent ce premier pas politique. Il y parut à l’uniformité des cahiers où ils consignèrent leurs plaintes, accord inattendu, imposant, qui donna au vœu public une irrésistible force. Ces plaintes, depuis combien de temps elles étaient dans les cœurs !… Il n’en coûta guère d’écrire. Tel cahier d’un de nos districts, qui comprenait presque un code, fut commencé à minuit et terminé à trois heures[2].

Un mouvement si vaste, si varié, si peu préparé, et néanmoins unanime !… c’est un phénomène admirable. Tous y prirent part et (moins un nombre imperceptible) tous voulurent la même chose[3].

Unanime ! il y eut un accord complet, sans réserve, une situation toute simple, la nation d’un côté et le

  1. Cependant, dans plusieurs communes, on créa des écrivains jurés pour écrire les votes. (Duchatellier, La Révolution en Bretagne, I, 281.)
  2. Mémoires de Bailly, I, 12.
  3. La même dans tous les points essentiels. À quoi chaque corporation, chaque ville ajoutait quelque chose de spécial.