Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Necker parla trois heures de finances et de morale : « Rien, dit-il, sans la morale publique, sans la morale particulière. » Son discours n’en était pas moins l’immorale énumération des moyens qu’avait le roi pour se passer d’États généraux, continuer l’arbitraire. Les États, dès lors, étaient un pur don, une faveur octroyée et révocable.

Il avouait imprudemment que le roi était inquiet… Il exprimait le désir que les deux ordres supérieurs, restant seuls et libres, accomplissent leurs sacrifices, sauf à se réunir au Tiers pour discuter plus tard les questions d’intérêt commun. Dangereuse insinuation ! Le ministre, une fois libre de puiser l’impôt à ces riches sources de la grande propriété, n’eût guère insisté pour obtenir la réunion des ordres. Les privilégiés auraient gardé leur fausse majorité : deux ordres ligués contre un auraient empêché les réformes. Qu’importe ! la banqueroute étant évitée, la disette ayant cessé, l’opinion s’étant rendormie, la question de droit, de garantie, était ajournée, l’inégalité et l’arbitraire raffermis, Necker régnait, ou plutôt la cour, qui, une fois quitte du péril, eût renvoyé à Genève le banquier sentimental.

Le 6 mai, les députés du Tiers prennent possession de la grande salle ; la foule impatiente, qui assiégeait les portes, s’élance à leur suite.

La Noblesse à part, le Clergé à part, s’établissent dans leurs chambres, et, sans perdre de temps, décident que les pouvoirs doivent être vérifiés par chaque ordre et dans son sein. Forte majorité dans