Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/177

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en renonçant à leur exemption d’impôt ; ou bien que la Noblesse, s’unissant au Clergé, ne formât (comme on le leur conseillait) une chambre haute. Une telle chambre, qui de nos jours n’a nul rôle que d’être une machine commode à la royauté, eût été en 1789 une puissance par elle-même : elle eût réuni ceux qui possédaient alors la moitié ou les deux tiers des terres du royaume, ceux qui, par leurs agents, leurs fermiers, leurs domestiques innombrables, avaient tant de moyens d’influer sur les campagnes. On venait de voir aux Pays-Bas le formidable accord de ces deux ordres, qui avait entraîné le peuple, chassé les Autrichiens, dépossédé l’Empereur.

Le mercredi 10 juin 1789, Sieyès proposa de sommer une dernière fois le Clergé et la Noblesse, de les avertir que l’appel se ferait dans une heure, et qu’il serait donné défaut contre les non-comparants.

Cette sommation dans la forme judiciaire était un coup inattendu. Les députés des Communes prenaient, à l’égard de ceux qui leur contestaient l’égalité, une position supérieure, celle de juge en quelque sorte.

Cela était sage, on risquait trop à attendre, mais cela était hardi. On a répété souvent que ceux qui avaient tout un peuple derrière eux, une ville comme Paris, n’avaient rien à craindre, qu’ils étaient les forts, qu’ils avançaient sans péril… Après coup et toute chose ayant réussi, on peut soutenir la thèse. Sans doute ceux qui franchirent ce pas se sentaient une grande force, mais cette force n’était nullement organisée ; le peuple n’était