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l’isola de la famille. Son père le persécuta toute sa vie, et il a demandé en mourant d’être enterré auprès de son père[1].

Le 10, lorsque Sieyès proposa de donner défaut contre les non-comparants, Mirabeau appuya ce mot dur, parla fort et ferme. Mais, le soir, voyant le péril, il prit sur lui d’aller voir Necker, son ennemi[2] ; il voulait l’éclairer sur la situation, offrir à la royauté le secours de sa parole puissante. Mal reçu et indigné, il n’entreprit pas moins de barrer la route à Sieyès, de se mettre, lui tribun, lui relevé d’hier par la Révolution, et qui n’avait de force qu’elle, il voulut, dis-je, se mettre en face d’elle, et s’imagina l’arrêter.

Tout autre y eût péri d’abord, sans pouvoir s’en tirer jamais. Qu’il soit plus d’une fois tombé dans l’impopularité et qu’il ait pu remonter toujours, c’est ce qui donne une idée bien grande du pouvoir de l’éloquence sur cette nation sensible, entre toutes, au génie de la parole.

Quoi de plus difficile que la thèse de Mirabeau ! Il essayait, devant cette foule émue, exaltée, devant un peuple élevé au-dessus de lui-même par la grandeur de la crise, d’établir « que le peuple ne s’intéressait pas à de telles discussions, qu’il demandait seulement de ne payer que ce qu’il pouvait, et de porter paisiblement sa misère ».

Après ces paroles basses, affligeantes, découra-

  1. Mémoires de Mirabeau, édités par M. Lucas de Montigny, t. VIII, livre X.
  2. Comparez les versions différentes, mais conciliables d’Ét. Dumont et de Droz (qui suit le témoignage de Malouet).