Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/186

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tumulte, dit Bailly, qui présidait, l’assemblée resta ferme et digne ; patiente autant que forte, elle attendait en silence que cette bande turbulente fût épuisée par ses cris. À une heure après minuit, les députés étant moins nombreux, on remit le vote au matin.

Le matin, au moment du vote, on annonça au président qu’il était mandé à la chancellerie pour prendre une lettre du roi. Cette lettre, où il rappelait qu’on ne pouvait rien sans le concours des trois ordres, serait venue bien à point pour fournir un texte aux cent opposants, donner lieu à de longs discours, inquiéter, refroidir beaucoup d’esprits faibles. L’assemblée, avec une gravité royale, ajourna la lettre du roi, défendit à son président de quitter la salle avant la fin de la séance. Elle voulait voter et vota.

Les diverses motions pouvaient se réduire à trois, ou plutôt à deux :

1o Celle de Sieyès : Assemblée nationale ;

2o Celle de Mounier : Assemblée des représentants de la majeure partie de la nation, en l’absence de la mineure partie. La formule équivoque de Mirabeau rentrait dans celle de Mounier, le mot peuple pouvant se prendre dans un sens restreint, et comme la majeure partie de la nation.

Mounier avait l’avantage apparent d’une littéralité judaïque, d’une justesse arithmétique, au fond contraire à la justice. Elle opposait symétriquement, mettait en regard, et comme de niveau, deux valeurs énormément différentes. L’assemblée représentait la nation, moins les privilégiés, c’est-à-dire quatre-vingt-