Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/260

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de l’huile d’œillet et d’aspic[1] qu’on avait saisie la veille et qu’on enflammerait avec du phosphore. Il envoyait chercher les pompes.

Un charron, ancien soldat, sans s’amuser à ce parlage, se mit bravement à l’œuvre. Il s’avance, la hache à la main, monte sur le toit d’un petit corps de garde, voisin du premier pont-levis, et, sous une grêle de balles, il travaille paisiblement, coupe, abat les chaînes, fait tomber le pont. La foule passe ; elle est dans la cour.

On tirait à la fois des tours et des meurtrières qui étaient au bas. Les assaillants tombaient en foule et ne faisaient aucun mal à la garnison. De tous les coups de fusil qu’ils tirèrent tout le jour, deux portèrent : un seul des assiégés fut tué.

Le comité des électeurs, qui déjà voyait arriver les blessés à l’Hôtel de Ville, qui déplorait l’effusion du sang, aurait voulu l’arrêter. Il n’y avait plus qu’un moyen pour cela, c’était de sommer la Bastille au nom de la Ville, et d’y faire entrer la garde bourgeoise. Le prévôt hésitait fort ; Fauchet insista[2] ; d’autres électeurs pressèrent. Ils allèrent, comme députés ; mais, dans le feu et la fumée, ils ne furent pas même vus ; ni la Bastille ni le peuple ne cessèrent de tirer. Les députés furent dans le plus grand péril.

  1. C’est lui-même qui se vante de cette sottise. (Procès-verbal des électeurs, I, 385.)
  2. Si l’on en croit lui-même, il eut l’honneur de cette initiative. (Fauchet, Discours sur la liberté, prononcé le 6 août 1789, à Saint-Jacques, p. 11.)