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manquaient pour l’exécution. À deux heures, l’intendant Berthier en ordonnait encore les détails à l’École militaire. Son beau-père, Foulon, sous-ministre de la guerre, achevait à Versailles les préparatifs. Paris devait, à la nuit, être attaqué de sept côtés à la fois[1]. On discutait en conseil la liste des députés qui seraient enlevés le soir ; on proscrivait celui-ci, on exemptait celui-là ; M. de Breteuil défendait l’innocence de Bailly. La reine cependant et Mme de Polignac allaient à l’Orangerie animer les troupes, faire donner du vin aux soldats qui dansaient et formaient des rondes. Pour compléter l’enivrement, la belle des belles emmenait chez elle les officiers, les troublait de liqueurs, de ses douces paroles et de ses regards… Ces aveugles une fois lancés, la nuit aurait été sanglante… On surprit leurs lettres, où ils écrivaient : « Nous marchons à l’ennemi… » Quel ennemi ? La loi et la France.

Voilà cependant un tourbillon de poussière sur l’avenue de Paris, c’est un gros de cavaliers, c’est le prince de Lambesc, avec tous ses officiers, qui fuit le peuple de Paris… Mais il trouve celui de Versailles ; si l’on n’eût craint de blesser les autres, on aurait tiré sur lui.

M. de Noailles arrive : « La Bastille est prise. » — M. de Wimpfen arrive : « Le gouverneur est tué, il l’a vu, il a failli être traité comme lui. » Deux envoyés des électeurs viennent enfin, exposent à l’Assemblée l’état affreux de Paris… On s’indigne, on invoque

  1. Bailly, I, 391, 392.