Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/284

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L’archevêque donnait le bras à ce brave abbé Lefebvre qui avait gardé et distribué les poudres, qui sortait pour la première fois de son antre et était tout noir encore. Bailly était de même conduit par Hullin, applaudi, pressé de la foule, presque à étouffer. Quatre fusiliers le suivaient ; malgré la joie de ce jour et l’honneur inattendu de sa position nouvelle, il ne put s’empêcher de songer « qu’il avait l’air d’un homme qu’on mène en prison… » S’il eût pu mieux prévoir, il aurait dit : « à la mort ! »

Qu’était-ce que ce Te Deum, sinon un mensonge ? Qui pouvait croire que l’archevêque remerciât Dieu de bon cœur pour la prise de la Bastille ? Rien n’avait changé, ni les hommes ni les principes… La cour était toujours la cour, l’ennemi toujours l’ennemi.

Ce qui était fait était fait. L’Assemblée nationale, les électeurs de Paris, avec leur toute-puissance, ne pouvaient rien sur le passé. Il y avait eu, le 14 juillet, un vaincu qui était le roi, un vainqueur qui était le peuple. Comment donc défaire cela, faire que cela ne fût point, biffer l’histoire, changer la réalité des événements accomplis, donner le change au roi, au peuple, de sorte que le premier se tînt heureux d’être battu, que l’autre, sans défiance, se remît aux mains d’un maître si cruellement provoqué ?

Mounier, racontant, le 16, dans l’Assemblée nationale la visite des cent députés à la ville de Paris,