Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/321

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lamentables. Une fois, et deux, et plusieurs, le peuple revenait à la charge ; quelque enquête que l’on fit, il ne prenait pas son parti ; il était plein de trouble, d’inquiétude pour ces infortunés, peut-être enterrés vivants.

Et si ce n’étaient pas des prisonniers, n’étaient-ce pas des ennemis ? N’y avait-il pas sous le faubourg quelque communication des souterrains de la Bastille aux souterrains de Vincennes… Du donjon à l’autre donjon, ne pouvait-on faire passer des poudres, exécuter ce que De Launay avait eu l’idée de faire, lancer la Bastille dans les airs, renverser, écraser le faubourg de la liberté ?

On fit des recherches publiques, une enquête solennelle et authentique pour rassurer les esprits. L’imagination alors transporta son rêve ailleurs. Elle plaça sa mine et sa peur de l’autre côté de Paris, dans ces cavités immenses d’où nos monuments sont sortis, aux abîmes d’où l’on a tiré le Louvre, Notre-Dame et autres églises. En 1786, on y avait versé, sans qu’il y parût (tant ces souterrains sont vastes), tout Paris mort depuis mille ans, une terrible masse de morts qui, pendant cette année, allait la nuit dans des chars de deuil, le clergé en tête, chercher des Innocents à la Tombe-Issoire, le repos définitif et l’oubli complet.

Ces morts appelaient les autres, et c’était sans doute là qu’un volcan se préparait ; la mine, du Panthéon au ciel, allait soulever Paris, et, le laissant retomber, confondrait, brisés, sans forme, les vivants