Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/345

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mérite à leurs yeux était d’avoir voté, le 17 juin, contre le titre d’Assemblée nationale, cette simple formule de Sieyès qui contenait la Révolution. Opposer ces deux hommes, disons mieux, ces deux systèmes, dans la question de la présidence, c’était mettre la Révolution en cause, essayer de voir si l’on pourrait la faire reculer au 16 juin.

La seconde tentative était d’empêcher le jugement de Besenval. Ce général de la reine contre Paris avait été arrêté dans sa fuite. Le juger, le condamner, c’était condamner aussi les ordres d’après lesquels il avait agi. Necker, revenant, l’avait vu sur son passage, lui avait donné espoir. Il ne fut pas difficile d’obtenir de son bon cœur une démarche solennelle auprès de la Ville de Paris[1]. Emporter l’amnistie générale, dans la joie de son retour, finir la Révolution, ramener la sérénité, apparaître, comme, après le déluge, l’arc-en-ciel dans les nuées, quoi de plus charmant pour la vanité de Necker ?

Il vint à l’Hôtel de Ville, obtint tout de ceux qui s’y trouvaient, électeurs, représentants des districts, simples citoyens, une foule mêlée, confuse et sans caractère légal. L’ivresse était au comble, dans la salle et sur la place. Il se montra à la fenêtre, sa femme à droite, sa fille à gauche, qui pleuraient et lui baisaient les mains… Sa fille, Mme de Staël, s’évanouit de bonheur[2].

  1. Il dit expressément qu’il parlait de la part du roi. (Voir son discours, Hist. Révol., par deux amis de la liberté, II, 235.)
  2. Staël, Considérations, 1re partie, ch. xxiii. (Voir aussi Necker, t. VI, IX.)