Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/413

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cocarde et prirent celle de la reine, la noire cocarde autrichienne, se dévouant à son service. Tout au moins la cocarde tricolore fut retournée et, par l’envers, devint la cocarde blanche. La musique continuait, de plus en plus passionnée, ardente ; elle joue la marche des Uhlans, sonne la charge… Tous se lèvent, cherchant l’ennemi… Point d’ennemi ; au défaut, ils escaladent les loges. Ils sortent, vont à la cour de marbre. Perseval, aide de camp de d’Estaing, donne l’assaut au grand balcon, s’empare des postes intérieurs, en criant : « Ils sont à nous ! » Il se pare de la cocarde blanche. Un grenadier de Flandre monte aussi et Perseval s’arrache, pour la lui donner, une décoration qu’il portait. Un dragon veut monter aussi, mais, trop chancelant, trébuche, il veut se tuer de désespoir.

Un autre, pour compléter la scène, moitié ivre et moitié fou, va criant, se disant lui-même espion du duc d’Orléans, il se fait une petite blessure ; ses camarades, de dégoût, le tuèrent presque à coups de pied.

L’ivresse de cette folle orgie sembla gagner toute la cour. La reine, donnant des drapeaux aux gardes nationaux de Versailles, dit « qu’elle en restait enchantée ». Nouveau repas le 3 octobre, on hasarde davantage, les langues sont déliées, la contre-révolution s’affiche hardiment ; plusieurs gardes nationaux se retirent d’indignation… L’habit de garde national n’est plus reçu chez le roi. « Vous n’avez pas de cœur, dit un officier à un autre, de porter un tel