Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/439

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allât chercher du pain chez les boulangers. De tous côtés les vivres vinrent. Ils se mirent à manger avec grand bruit dans la salle.

Les femmes, tout en mangeant, causaient avec Mounier : « Mais, cher président, pourquoi donc avez-vous défendu ce vilain veto !… Prenez bien garde à la lanterne ! » Mounier leur répondit avec fermeté qu’elles n’étaient pas en état de juger, qu’on les trompait, que, pour lui, il aimait mieux exposer sa vie que trahir sa conscience. Cette réponse leur plut fort ; dès lors elles lui témoignèrent beaucoup de respect et d’amitié[1].

Mirabeau seul eût pu se faire entendre, couvrir le tumulte. Il ne s’en souciait pas. Certainement il était inquiet. Le soir, au dire de plusieurs témoins, il s’était promené parmi le peuple avec un grand sabre, disant à ceux qu’il rencontrait : « Mes enfants, nous sommes pour vous. » Puis il s’était allé coucher. Dumont le Genevois alla le chercher, le ramena à l’Assemblée. Dès qu’il arriva, il dit de sa voix tonnante : « Je voudrais bien savoir comment on se donne les airs de venir troubler nos séances… Monsieur le président, faites respecter l’Assemblée ! » Les femmes crièrent : « Bravo !» Il y eut un peu de calme. Pour passer le temps, on reprit la discussion des lois criminelles.

« J’étais dans une galerie (dit Dumont), où une poissarde agissait avec une autorité supérieure et

  1. Voir Mounier, à la suite de l’Exposé justificatif.