Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/72

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posait à peine, comme si, en touchant la masse échappée du feu central, il eût craint d’y brûler ses ailes. Ce sombre témoin des tortures du monde intérieur semblait y rêver encore, sans faire la moindre attention à ce qui l’environnait, sans se laisser jamais distraire de sa mélancolie sauvage…

Quelles furent donc les révolutions souterraines de la terre, quelles incalculables forces se combattirent dans son sein, pour que cette masse, soulevant les monts, perçant les rocs, fendant les bancs de marbre, jaillît jusqu’à la surface !… Quelles convulsions, quelles tortures, arrachèrent du fond du globe ce prodigieux soupir !

Je m’assis, et, de mes yeux obscurcis, des larmes, lentes, pénibles, commencèrent à s’exprimer une à une… La nature m’avait trop rappelé l’histoire. Ce chaos de monts entassés m’opprimait du même poids qui, pendant tout le Moyen-âge, pesa sur le cœur de l’homme, et dans ce pic désolé, que du fond de ses entrailles la terre lançait contre le ciel, je retrouvais le désespoir et le cri du genre humain.

Que la Justice ait porté mille ans sur le cœur cette montagne du dogme, qu’elle ait, dans cet écrasement, compté les heures, les jours, les années, les longues années… C’est là, pour celui qui sait, une source d’éternelles larmes. Celui qui, par l’histoire, partagea ce long supplice, n’en reviendra jamais bien ; quoi qu’il arrive, il sera triste ; le soleil, la joie du monde, ne lui donnera plus de