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Un jour reviendra la Justice ! Laisse là ces vaines cloches ; qu’elles jasent avec le vent… Ne t’alarme pas de ton doute. Ce doute, c’est déjà de la foi. Crois, espère ; le Droit ajourné aura son avènement, il viendra siéger, juger, dans le dogme et dans le monde… Et ce jour du Jugement s’appellera la Révolution.


IV


Je me suis souvent demandé en poursuivant la sombre étude du Moyen-âge, par des chemins pleins de ronces, tristis usque ad mortem, comment la religion la plus douce dans son principe, celle qui part de l’amour même, a-t-elle donc pu couvrir le monde de cette vaste mer de sang ?

L’antiquité païenne, toute guerrière, meurtrière, destructive, avait prodigué la vie humaine, sans en connaître le prix. Jeune et sans pitié, belle et froide, comme la vierge de Tauride, elle tue et ne s’émeut pas. Vous ne trouvez pas, dans ses grandes destructions, la passion, l’acharnement, la fureur de haine qui caractérise au Moyen-âge les combats et les vengeances de la religion de l’amour.

La première raison que j’en trouvai naguère, dans mon livre du Prêtre, c’est le prodigieux enivrement d’orgueil que cette croyance donne à son élu. Quel vertige ! Tous les jours, amener Dieu sur l’autel, se faire obéir de Dieu !… Le dirais-je ? (j’hésitais,