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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/127

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Il triompha sur la question personnelle. Sur l’affaire même en litige, il recula habilement ; à la première ouverture que lui donna la proposition d’une rédaction moins hardie, il fit sa retraite, céda sur la forme et gagna le fond. Il fut décidé que le roi avait le droit de faire les préparatifs, de diriger les forces comme il voulait, qu’il proposait la guerre à l’Assemblée, laquelle ne décidait rien qui ne fût sanctionné par le roi (22 mai).

En sortant, Barnave, Duport, Lameth, qui s’en allaient désespérés, furent applaudis, portés presque par le peuple, qui croyait avoir vaincu. Ils n’eurent pas le courage de lui dire la vérité. Dans la réalité, la cour avait l’avantage.

Elle venait d’éprouver deux fois la force de Mirabeau, en avril contre elle, et pour elle en mai. En cette dernière occasion, il avait fait des efforts plus qu’humains, sacrifié sa popularité, hasardé sa vie. La reine lui accorda une entrevue, la seule, selon toute apparence, qu’il ait eue jamais.

Autre faiblesse en cet homme, qu’on ne peut dissimuler. Quelques marques de confiance, exagérées sans doute par le zèle de La Marck qui voulait les rapprocher, montèrent l’imagination du grand orateur, crédule comme sont les artistes. Il attribua à la reine une supériorité de génie, de caractère, qu’elle ne montrait nullement. D’autre part, il crut aisément, dans sa force et son orgueil, que celui à qui nul homme ne résistait entraînerait sans difficulté la volonté d’une femme. Il eût été le ministre d’une