Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/130

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monstre enfin, était un homme… qu’il avait un charme particulier de délicatesse, qu’une telle énergie semble exclure. Selon toutes les apparences, l’entretien fut vague, nullement concluant. La reine avait sa pensée, qu’elle gardait. Mirabeau la sienne, qu’il ne cachait nullement, sauver à la fois le roi et la liberté… Quelle langue commune entre eux ?… Au moment de terminer, Mirabeau, s’adressant à la femme autant qu’à la reine par une galanterie à la fois respectueuse et hardie : « Madame, lorsque votre auguste mère admettait un de ses sujets à l’honneur de sa présence, jamais elle ne le congédiait sans lui donner sa main à baiser. » La reine lui présenta la sienne. Mirabeau s’inclina, puis, relevant la tête, il dit avec un accent plein d’âme et de fierté : « Madame, la monarchie est sauvée ! »

Il s’en alla tout ému, comblé, trompé… La reine écrivait à son agent en Allemagne, M. de Flachslanden, qu’on se servait de Mirabeau, mais qu’il n’y avait rien de sérieux dans les rapports qu’on avait avec lui.

Au moment même où il venait, au prix de sa popularité, presque de sa vie, d’emporter ce dangereux décret qui, au fond, rendait au roi le droit de paix et de guerre, le roi faisait chercher aux archives du Parlement les vieilles formes de protestation contre les États généraux, voulant en faire une secrète contre tous les décrets de l’Assemblée (23 mai)[1].

  1. Louis XVI y envoya le garde des sceaux lui-même, qui, à l’époque de l’émigration, a révélé le fait à Montgaillard.

    Quant à la lettre de la reine à Flachslanden, elle existe en original dans