Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/248

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que ces hommes de vingt ans, que personne ne connaît encore !… Qui ne serait terrifié en lui voyant briller au front ces diamants magiques qui étincellent dans l’ombre ?

Nul doute que, dans cette foule immense, elle n’en ait eu bien d’autres que ceux-là. Eux seuls grandirent, vécurent. Mais la chaleur vitale du merveilleux orage n’avait pas fait seulement, croyez-le bien, éclore ces quelques hommes. Des millions en naquirent, pleins de la flamme du ciel… Le dirai-je même ? La magnanimité, la bonté héroïque qui fut dans tout un peuple à ce moment sacré faisait attendre, des génies qui en sortirent, une autre inspiration. Si vous mettez à part quelques-uns, peu nombreux, qui furent des héros de bonté, vous trouverez que les autres, hommes d’action, d’invention et de calcul, dominés par l’ascendant des sciences physiques et mécaniques, poussèrent violemment aux résultats ; une force immense, mais trop souvent aride, fut concentrée dans leur tête puissante. Aucun d’eux n’eut ce flot du cœur, cette source d’eaux vives où s’abreuvent les nations.

Ah ! qu’il y avait bien plus dans le peuple de la Fédération qu’en Cuvier, Fourier, Bonaparte !

Il y avait en ce peuple l’âme immense de la Révolution, sous ses deux formes et ses deux âges.

Au premier âge, qui fut une réparation aux longues injures du genre humain, un élan de justice, la Révolution formula en lois la philosophie du dix-huitième siècle.